Venu du Japon dans les années 1960, cet artiste japonais n’a cessé d’étendre son art à travers les techniques, les supports et les continents. Etat des lieux.

Pour avoir une idée plus précise de la peinture, la gravure contemporaine et la peinture sur verre, rendez-vous est pris au 2 bis rue Danton, logement 261 de la résidence Logis-Transports, à Montrouge. Ainsi va la vie de Shoichi Hasegawa, partagée entre le Japon, son pays d’origine, et la France, le pays qu’il a choisi. À ma sortie de l’ascenseur, sa femme vient m’accueillir. Avec elle, mon voyage au Japon commence. Tradition oblige, je laisse mes chaussures à l’entrée. Derrière la porte, je l’aperçois devant sa toile, le sourire au visage.
Un petit coin de paradis
Son petit studio fait office d’atelier. La salle à manger est transformée en espace de travail. Les pots de pigments naturels et les récipients de peintures ont trouvé leur place sur une partie de la table. Le radiateur ne sert plus à chauffer la pièce, mais fait office de support pour les quelques toiles vierges qui attendent patiemment leur tour pour servir l’imagination du peintre. Un peu d’eau au fond d’une pierre creuse, Shoichi Hasegawa y frotte le pain d’encre de chine qui commence à se diluer. Après plusieurs aller-retour rythmés par le grincement du pain sur la pierre, l’encre est prête à l’emploi. « Je n’utilise que de l’encre de chine et des minéraux qui viennent du Japon, assure-t-il. C’est la tradition. Il suffit de rajouter de l’eau et une colle spéciale pour obtenir la peinture fabriquée par mes ancêtres depuis toujours. Je ne fais que reproduire ce qu’on m’a appris. Cette préparation sur le papier japonais donne de la profondeur à mes toiles. »
Le pinceau à la main, Shoichi Hasegawa caresse de son pinceau la toile avec un geste sûr. C’est un rituel pour cet artiste de 83 ans. « J’ai été attiré par la peinture dès mon jeune âge. Par la suite, j’ai observé mon oncle qui faisait de la calligraphie. Je n’ai pas eu envie de faire comme lui, mais inconsciemment le choix de l’encre de chine et la représentation de la calligraphie dans certaines de mes œuvres ont été influencés par ma curiosité d’enfant », explique-t-il sans interrompre sa peinture. Ses peintures nous parlent de l’homme, de ses émotions et de sa vie. La délicatesse des couleurs, la transparence des fonds, la construction des dessins plus évocateurs que précis nous proposent un espace de liberté dans lequel se mêle l’affectif et l’imaginaire.
Ses toiles sont un mélange de savoir-faire acquis dans sa jeunesse grâce à Koga, son professeur, et d’un apprentissage qu’il a eu lors de son passage à l’Atelier 17 (atelier de gravure créé par Stanley William Hayter lors de son installation à Montparnasse au 17 rue Campagne-Première, d’où le nom d’atelier 17 qui deviendra célèbre dans le monde entier). La technique de la gravure n’existant pas au Japon, il devait donc venir en France. Visa étudiant en poche, il choisit l’Atelier 17. « Je suis fier d’avoir appris la gravure avec Stanley William Hayter et d’avoir eu le même professeur que Picasso », ajoute-t-il. Il a pu ainsi découvrir des procédés très contemporains. « L’atelier 17 possède sa propre technique de gravure. On peut, à la différence d’autres, imprimer plusieurs couleurs sur une même plaque et obtenir ainsi un résultat surprenant », explique-t-il, une gravure à la main.
Sa première vie
Après la Seconde Guerre mondiale, Shoichi Hasegawa débuta sa vie professionnelle comme télégraphiste au bureau de poste local. Pendant dix ans, c’était son gagne pain. « J’avais besoin de faire ce travail pour pouvoir subvenir à mes besoins financiers. Sans la télécom, je n’aurai jamais pu partir à Tokyo. » En effet, pour pouvoir pratiquer son activité favorite, la peinture, il prit la décision de quitter sa ville natale, Yaizu. Le choix de Tokyo fut décisif. « Pour progresser et tracer son chemin dans l’art, il faut aller à la capitale. C’est partout pareil », rétorque l’artiste. C’est aussi la raison pour laquelle il a choisi la France.
A 83 ans, Shoichi Hasegawa n’a donc plus rien à prouver. Ses œuvres sont vendues dans le monde entier et certaines sont exposées dans des musées internationaux. Pour autant, tout n’est pas encore achevé pour notre artiste plein d’énergie. Après la peinture sur toile, la peinture sur verre, la gravure, Shoichi Hasegawa s’est fixé depuis deux ans un nouvel objectif : la peinture sur céramique, matière qu’il connaît peu mais qu’il manipule depuis son enfance. Cette quête permanente de l’apprentissage, de la découverte, de la recherche et de la perfection poussera certainement notre artiste vers d’autres défis… et qui sait peut-être vers les arts numériques.
Hicham Abou Raad
Quelques étapes…
1950 : Première exposition (Schizuoka)
1959 : Exposition Galerie Tokyo (Tokyo)
1964 : Galerie Philadelphie (Paris)
1976 : Goodman Gallery (Johannesburg)
1983 : Galerie Raphaël (Francfort)
1991 : Création d’une médaille en or pour la Monnaie de Paris
2008 : 150e anniversaire des relations franco-japonaises (Vétheuil)
2012 : Espace Jourdain (Paris)
Logismag, janvier 2013